Nutrition chez le brûlé - Points Clés / Recommandations

Ces éléments sont issus des Recommandations Formalisées d’Expert sur la nutrition du brûlé grave1 et de la Table Ronde du congrès SFB de 2015 consacrée à la Nutrition du Patient Brûlé2

 

1- GENERALITES

  • La nutrition doit être débutée précocement (Grade B/accord fort)
  • La nutrition doit être donnée en priorité par voie entérale (grade C/accord fort)…le cas échéant par gastrostomie
  • Utiliser, tant chez l’enfant que chez l’adulte, les stratégies non nutritionnelles qui permettent de réduire l’hypermétabolisme et l’hypercatabolisme (grade B/accord fort). Ces stratégies sont les suivantes :
    • Excision chirurgicale précoce
    • Température ambiante suffisante
    • Analgésie efficace
    • Béta bloquants
    • Oxandrolone
  • Tenir compte des apports caloriques occultes (propofol / solvants glucosés…) ou les éviter
  • Tenir compte des interruptions imprévues de l’apport nutritionnel (bloc opératoire, intolérance digestive…) ou des évènements limitant l’apport (diarrhées…) et chercher à les éviter le plus possible.
  • Les indices cliniques et les marqueurs biologiques permettant d’évaluer l’état nutritionnel sont peu fiables chez le brûlé. L’indice le moins mauvais serait la préalbumine (>0,25g/l).

 

2-ASPECTS QUANTITATIFS

  • La calorimétrie est la méthode de référence pour évaluer les besoins caloriques (grade D/accord faible)
  • Si le recours à la calorimétrie n’est pas possible il faut utiliser l’équation de Toronto pour les adultes et le protocole de Schofield pour les enfants (grade D/accord faible).
  • Les apports doivent correspondre à 100-110% de la mesure sans dépasser 110%.
  • Critères de réalisation de la calorimétrie :
    • Temps de mesure le plus long possible et > 30mn
    • Neutralité thermique
    • Patient stable
    • Ventilation stable et sans fuites
    • FiO2 < 60%
    • Pas d’humidificateur chauffant (remplacer par un échangeur de chaleur et d’humidité)

 

3-ASPECTS QUALITATIFS

  • GLUCIDES :
    • ils doivent représenter 55-60% de l’apport énergétique total (sans excéder 60%) et sans dépasser 5mg/kg/mn tant chez l’adulte que chez l’enfant (grade D/accord fort).
    • il convient de stabiliser la glycémie entre 4,5 et 8mmol/l, à l’aide d’une perfusion continue d’insuline (grade D/accord fort).
  • LIPIDES :
    • Il faut évaluer la part lipidique de l’apport nutritionnel et faire en sorte que les lipides ne dépassent pas 35% de l’apport calorique total (grade C/accord faible). Dans l’idéal ils devraient représenter 10-20% de celui-ci.
    • Les solutions doivent être composées de triglycérides à chaine moyenne et d’acides gras polyinsaturés type oméga 3.
  • PROTEINES :
    • Les besoins protidiques sont plus importants chez le brûlé que chez toute autre catégorie de patients et devraient s’établir sur la base de 1,5 à 2g/kg/jour chez l’adulte et de 1,5 à 3g/kg/jour chez l’enfant (grade D/accord fort).
    • Il est utile de supplémenter en glutamine sur la base de 30g/jour (0,25g/kg/jour) ou de son précurseur l’oxoglurate d’ornithine (CETORNAN®).

 

4-MICONUTRIMENTS

  • Ils doivent être administrés dès l’admission et jusqu’à la cicatrisation
  • VITAMINES :
    • Les patients (enfants et adultes) doivent être supplémentés en vitamines B1, C, D et E (grade B/accord fort)
    • Les besoins sont estimés plus importants que chez le sujet sain, d’un facteur 2 à 5
    • Les apports en vitamine D doivent être augmentés de manière significative
  • ELEMENTS TRACES :
    • Les patients (enfants et adultes) doivent être supplémentés en zinc, cuivre et sélénium (grade B/accord fort)
    • Chez l’adulte les besoins sont estimés à : Zn=30mg/jour, Cu=3mg/jour et Se=300 à 500mg/jour

 

5-ADJUVANTS

  • HORMONE DE CROISSANCE (rhGH) :
    • Il est recommandé d’utiliser la rhGH chez l’enfant brûlé sur plus de 60% de la surface corporelle (grade B/accord faible)
    • Cette recommandation n’est pas validée chez l’adulte (grade B/accord faible)
  • BETA BLOQUANTS (propranolol) :
    • Son emploi est à considérer dès la fin de la phase aigue (à partir de la 2e semaine)
    • Posologie= 10g x 3/jour (0,5 mg/kg/jour)
  • OXANDROLONE :
    • L’oxandrolone est un anabolisant non virilisant (utilisable quelque soit le sexe)
    • Son emploi serait très intéressant3
    • Le produit n’est disponible qu’après autorisation (ATU en France - ANSM  / ASU en Suisse - Swissmedic)
    • Surveiller la fonction hépatique


1Rousseau A-F, Losser M-R, Ichai C, Berger MM. ESPEN endorsed recommendations: Nutritional therapy in major burns. Clinical Nutrition. août 2013;32(4):497‑502.

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2Ravat F, Le Floch R. 35e congrès SFB, table ronde “nutrition”: transcription des communications. Annals of Burns and Fire Disasters. décembre 2015 ; 28 (4):296-309.

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3Wolf SE et al. Effects of Oxandrolone on Outcome Measures in the Severely Burned: A Multicenter Prospective Randomized Double-Blind Trial. J Burn Care Res 2006; 27:131-139

Utilisation des antibiotiques chez le patient brûlé - Annexes

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ANNEXE 1 : critères à utiliser pour porter le diagnostic d’infection chez le brûlé

Critères généraux :
• Apparition d’au moins 2 des 4 critères  ci-dessous, chez un adulte dont les lésions sont < 15-20% de la surface corporelle et n’ayant pas de syndrome d’inhalation de fumées : - Température >38,5°C ou <36oC - Fréquence cardiaque > 90/mn - Fréquence respiratoire > 20/mn ou capnie < 25 mmHg - Leucocytes > 12 G ou < 4 G ou > 10 % de formes immatures
• Présence d'au moins 2 des 4 critères ci-dessous chez un adulte porteur d'une Brûlure > 20 % de la SCT et/ou de lésions d'inhalation de fumée: - Température >39,5°C ou <35,5oC - ö de 50% de la fréquence cardiaque basale - ö de 50% de la fréquence respiratoire basale - ö ou ø de 100% du nombre de leucocytes - Défaillance hémodynamique nécessitant l'instauration ou l'augmentation des posologies d'un traitement par les catécholamines

Critères d’infection des brûlures :
1. Le diagnostic d’infection cutanée est clinique :

• Présence d’une réaction inflammatoire locale ou locorégionale
 
et/ou

• Evolution locale défavorable et inattendue
• Au niveau des brûlures : - Présence de pus - Détersion et séparation rapides - Apparition de taches noirâtres (nécrose ou hémorragie)
- Conversion inexpliquée d’une lésion superficielle en profonde après la 48e heure  
• Au niveau des prises de greffe - Présence de pus - Retard de cicatrisation inexpliqué - Escarre  
• Au niveau des greffes  - Présence de pus - Lyse des greffes - Nécrose de la graisse située sous la greffe • Au niveau des zones cicatrisées - Impétigo - Lyse des zones guéries

2. Le prélèvement bactériologique est destiné à connaître le(s) germe(s) en cause. Un simple écouvillonnage suffit le plus souvent. La biopsie n’est jamais systématique mais peut être utile dans les cas difficile ; on doit alors faire :

• Un examen microbiologique - Apposition d’une empreinte sur lame avec coloration et mesure semi-quantitative des germes - Quantification des germes présents par gramme de tissu après broyât : seuil de 105 CFU/g retenu comme significatif du risque de dissémination hématogène 
• Un examen anatomopathologique extemporané après congélation permettant d'apprécier la notion d'invasivité : - Colonisation : germes dans les tissus non vascularisés - Infection : germes dans les tissus vivants et au contact des vaisseaux

3. Remarques :
L'infection cutanée accompagnée de signes généraux est une infection systémique. d'origine cutanée. Le diagnostic d’infection cutanée fungique peut être confirmé par biopsie. Le diagnostic d’infection cutanée à herpes virus est clinique et peut être confirmé par la survenue d'une conversion sérologique et la présence de virus dans les prélèvements locaux. La présence de germes sur la peau ne signifie pas l’infection de celle-ci.

Signes généraux + +  +  -  -  -
Signes locaux + -  +  -  +  -
Prélèvement cutané + -  -  +  +  +  -
INFECTION CUTANEE + -  +  -  +  ?  +


Critères d’infection pour les autres sites : Les définitions sont issues de celles retenues par les C.CLIN pour les enquêtes du réseau de surveillance REA-REACAT/RAISIN 2006 et reprises dans « le guide de définition des infections nosocomiales - du C.CLIN Paris-Nord (1995).

ANNEXE 2 : Modalité d’administration de quelques antibotiques chez le brûlé


BETA LACTAMINES


Pénicillines

cloxacilline (ORBENINE®), oxacilline
administration en perfusion continue (bactéricidie temps dépendante) 150-200 mg/kg/J dose de charge 50/mg/kg concentration cible à atteindre  8 à 10 mg/l  ou 4 à 5 fois la CMI  amoxicilline (CLAMOXYL®)  administration en perfusion continue (bactéricidie temps dépendante) 150-200 mg/kg/J dose de charge 50/mg/kg Concentration cible à atteindre  16 à 20 mg/l ou 4 à 5 fois la CMI Amoxicilline : La stabilité est de 6h avec un solvant NaCl. En cas d’administration à la seringue électrique, remplacer la seringue toutes les 6h.


Carboxy ou Ureidopenicillines

Ticarcilline (TICARPEN®)
administration en perfusion continue (bactéricidie temps dépendante) 150-200 mg/kg/J  dose de charge 50/mg/kg concentration cible à atteindre  64 à 80 mg/l ou 4 à 5 fois la CMI La stabilité est de 24h à 25°C

Pipéracilline (PIPERILLINE®)
administration en perfusion continue (bactéricidie temps dépendante) 240-320 mg/kg/J  dose de charge 50/mg/kg pas de problème de stabilité ou d’accumulation concentration cible à atteindre  60 à 80 mg/l ou 4 à 5 fois la CMI 


cephalosporines

cefotaxime (CLAFORAN®)
administration en perfusion continue (bactéricidie temps dépendante) 100-150 mg/kg/J dose de charge 25/mg/kg concentration cible à atteindre 16 à 20 mg/l ou 4 à 5 fois la CMI

ceftazidime (FORTUM®)
administration en perfusion continue (bactéricidie temps dépendante) 100-150 mg/kg/J dose de charge 25/mg/kg préférer une administration en poches souples par pompe volumétrique en raison du risque de dégagement gazeux …mais l’administration continue à la seringue électrique est parfaitement possible. concentration cible à atteindre 16 à 20 mg/l ou 4 à 5 fois la CMI (32-40 mg/l pour les germes à risque soit 8 à 10 fois la CMI)


imipenem (TIENAM®)

administration en perfusion continue (bactéricidie temps dépendante) 50-100 mg/kg/J dose de charge 10/mg/kg
stabilité : 3h30 à 25°C concentration cible à atteindre  16 à 20 mg/l ou 4 à 5 fois la CMI


FLUOROQUINOLONES


Ciprofloxacine (CIFLOX®)

Administration réitérée (bactéricidie concentration dépendante) 3 à 4 injections par jour 10 à 20 mg/kg par injection (dose totale 30-80 mg/kg/j) Perfuser le produit en 30mn / Doser dès la fin de l’injection (diffusion très rapide) Taux pic cible (cmax)  > 30 µg/ml (optimal = 40µg/ml) ou >10 fois la CMI Attention à l’apport hydrique (0,5 ml par mg de ciprofloxacine)


AMINOSIDES


amikacine (AMIKLIN®)

Administration en dose unique journalière (bactéricidie concentration dépendante) 30 mg/kg par injection  Perfuser le produit en 60mn   Taux pic à doser 30 mn après la fin de l’injection taux pic cible > 80 mg/ml  ou >10 fois la CMI taux résiduel à doser immédiatement avant l’injection suivante taux résiduel <5 mg/l

gentamycine (GENTALLINE®) tobramycine (NEBCINE®) netromycine (NETILMYCINE®)

Administration en dose unique journalière (bactéricidie concentration dépendante) 10 mg/kg par injection  Perfuser le produit en 60mn   taux pic à doser 30 mn après la fin de l’injection taux pic cible > 20 mg/ml ou >10 fois la CMI taux résiduel à doser immédiatement avant l’injection suivante taux résiduel <2 mg/l


GLYCOPEPTIDES


vancomycine (VANCOCIN®)

administration en perfusion continue (bactéricidie temps dépendante) 30 mg/kg par injection  dose de charge 5/mg/kg 1er dosage a effectuer après 12h d’administration dosage à l’équilibre a effectuer au cours de l’administration (pas d’horaire particulier) taux pic cible = 20-30 mg/l


OXAZOLIDINONES


linézolide (ZYVOXID®)

-peu de données disponibles à ce jour-

activité limitée aux cocci gram positif avec une bactéricidie limitée aux streptocoques. administration en perfusion continue (bactéricidie temps dépendante) 1200mg/j chez l'adulte  dose de charge de 5 mg/kg concentration cible à atteindre 10 mg/l soit 5 fois la CMI.

Utilisation des antibiotiques chez le patient brûlé

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Texte court    

Groupe d’experts : Pierre AINAUD (Marseille), Marc BERTIN-MAGHIT (Lyon), Hervé CARSIN (Clamart), Ronan LE-FLOCH (Nantes), Gérard PERRO (Bordeaux), François RAVAT (LYON) – coordonnateur -,  Christophe VINSONNEAU (Paris)

L’infection est un problème majeur dans la prise en charge des brûlés et en particulier. Celle causée par des bactéries hospitalières qui ont acquis la multi-résistance aux antibiotiques. La multi-résistance est en relation directe avec la consommation d’antibiotiques. Par ailleurs, lorsque ces bactéries sont des bacilles à gram négatif, les molécules les plus efficaces datent de 20 ans pour les plus récentes sans espoir de mise à disposition de nouvelles molécules  y compris dans un futur lointain. De ce fait, il est clair que les antibiotiques actuels encore actifs  ne doivent pas être galvaudés. Les 10 recommandations qui suivent sont proposées dans ce but.

Préambule

L’antibiotique doit être utilisé en gardant à l’esprit que sa cible n’est pas le malade mais la bactérie : le clinicien doit sélectionner la ou les molécules les plus efficaces et chercher à obtenir des concentrations suffisantes au foyer infectieux pour éradiquer les pathogènes visés (bactéricidie).
L’antibiotique ne doit pas faire émerger de résistances bactériennes ; il doit être employé dans le but de limiter la pression de sélection et ainsi d’en réduire les conséquences en terme d’écologie bactérienne.
L’antibiotique n’est qu’un des moyens de lutte contre l’infection. L’antibiothérapie s’inscrit dans une stratégie globale de service hospitalier au même titre que l’hygiène.

Règle 1 –PAS D’ANTIBIOTIQUE en l’absence d’infection avérée

La réduction de la consommation d’antibiotique a montré son efficacité pour réduire l’émergence de résistances bactériennes. Les critères usuels d’infection – fondés sur l’existence d’un syndrome inflammatoire – (hyperthermie,
hyperleucocytose, élévation de la CRP) sont inopérants chez le brûlé et conduisent à la prescription d’antibiothérapies inutiles qui doivent être évitées.  Pour porter le diagnostic d’infection, les experts recommandent de s’appuyer sur les critères exposés en annexe 1.  

Règle 2 –L’infection locale relève d’un TRAITEMENT LOCAL

L’antibiothérapie prescrite pour prévenir l’infection des brûlures n’empêche pas l’infection de celles-ci et favorise l’émergence de bactéries multirésistantes.  Les topiques locaux sont efficaces pour prévenir ou traiter l’infection des brûlures. Pour ces  deux raisons, l’infection locale ne doit relever que d’un traitement local dans lequel la chirurgie tient toute sa place. Lorsque l’infection locale s’accompagne de signes généraux d’infection, les experts considèrent que le processus infectieux n’est plus purement local et dans ce cas l’utilisation d’antibiotiques peut être justifiée.

Règle 3 – Tenter de réduire l’INOCULUM bactérien

Au sein d’une population bactérienne la probabilité d’apparition de souches mutantes résistantes aux antibiotiques n’est pas nulle et le risque d’apparition de mutants résistants augmente en relation directe avec la taille de la population bactérienne (inoculum). Un des moyens de limiter cette probabilité est la réduction de l’inoculum. Chez les patients brûlés, des inoculum très importants peuvent être observés notamment en cas d’infection des brûlures.  Lors d’une colonisation d’un tissu par des bactéries, le passage de la colonisation à l’infection dépend aussi de l’importance de l’inoculum bactérien. Réduire l’inoculum peut donc également contribuer à prévenir la survenue d’infections. Dans tous les cas de figure, les experts recommandent de chercher à réduire l’inoculum bactérien.

Règle 4 –L’antibiothérapie est une URGENCE thérapeutique

Il est bien établi qu’en cas d’infection grave (mal tolérée et/ou mettant en jeu le pronostic vital) l’antibiothérapie doit être débutée sans délai, c'est-à-dire au plus tard dans les 6 heures qui suivent le diagnostic d’infection.   Dans cette situation, il est fréquent que l’infection ne soit pas documentée au plan bactériologique ; il faudra donc savoir mettre en œuvre les prélèvements nécessaires avant d’instaurer l’antibiothérapie MAIS sans la retarder.

Règle 5 –Choisir de préférence des antibiotiques BACTERICIDES

Le patient brûlé présente un déficit immunitaire, si bien que dans ces conditions l’antibiothérapie devra être efficace par elle-même, sans le secours des défenses immunitaires. En outre, l’utilisation d’un antibiotique bactéricide permet de réduire l’inoculum. Pour ces raisons, les experts recommandent l’utilisation de molécules bactéricides.

Règle 6 – Savoir ASSOCIER les antibiotiques en cas d’infection grave

L’association présente un certain nombre d’avantages théoriques :
 
• élargissement du spectre (utile en situation d’antibiothérapie probabiliste),  
• augmentation de la bactéricidie (plus importante et plus rapide),  
• prévention de l’émergence de mutants résistants.  Il est établi qu’en présence de certaines bactéries hospitalières multirésistantes les associations permettent d’éviter l’acquisition de nouvelles résistances. Pour toutes ces raisons, les experts recommandent l’emploi des associations d’antibiotiques pour le prise en charge des infections bactériennes graves chez les patients brûlés, au moins durant les 72 premières heures de traitement.

Règle 7 –ADAPTER l’antibiothérapie

En l’attente de la documentation bactériologique, le choix des antibiotiques est probabiliste. La possibilité d’une antibiothérapie initiale inappropriée par spectre trop étroit existe, avec le risque, dans ce cas, d’augmenter la mortalité. Il existe aussi un risque d’antibiothérapie excessive (molécule active alors qu’un produit à spectre plus étroit serait aussi efficace). Or, le risque de sélection de germes résistants est plus important avec une antibiothérapie à large spectre. De ce fait, l’antibiothérapie probabiliste doit être réévaluée dès la réception des résultats bactériologiques, habituellement à la 48e heure. L’antibiothérapie doit alors être adaptée au(x) germes(s) présumé(s) responsable(s) de l’infection. La stratégie proposée comporte donc deux temps :

• Approche clinique initiale avec instauration d’un traitement probabiliste dès le diagnostic suspecté
• Approche bactériologique secondaire avec réévaluation du traitement initial sur la base d’une documentation complète.

Règle 8 - savoir pratiquer la DESESCALADE / savoir ARRETER L’ANTIBIOTHERAPIE

Remplacer une antibiothérapie probabiliste à spectre large par une antibiothérapie adaptée à spectre étroit guidée par l’antibiogramme s’appelle la désescalade ; elle doit être réalisée chaque fois que cela est possible. La désescalade poursuit deux buts : un bénéfice individuel (guérison du malade) et un bénéfice collectif (réduire l’émergence de résistances bactériennes). Ses conditions d’application sont au nombre de trois : documentation bactériologique disponible, documentation positive avec antibiogramme et si possible CMI et amélioration du tableau infectieux après 48 heures.  L’arrêt d’une antibiothérapie considérée comme inutile peut être assimilé à une désescalade.  Les experts recommandent une durée d’antibiothérapie de 7 à 8 jours pour la majorité des cas d’infections rencontrées chez les patients brûlés, à condition que le traitement initial ait été approprié. En cas d’infection par des germes à risque (type Pseudomonas æruginosa) une durée plus longue est peut être nécessaire mais elle ne devra pas dépasser 15 jours. Il est également possible dans ce dernier cas, au delà de 7 à 8 jours de traitement, d’interrompre l’antibiothérapie après 48 à 72h d’apyrexie (ou de disparition des signes ayant fait porter le diagnostic d’infection).

Règle 9 –Respecter les MODALITES d’ADMINISTRATION : posologies, rythme d’injection.

1. NOTIONS DE PHARMACOCINETIQUE

La pharmacocinétique des antibiotiques est très fortement perturbée chez le patient brûlé. De ce fait les posologies habituellement recommandées, et établies chez le volontaire sain, ne sont pas recommandables. Ces modifications concernent toutes les classes de molécules ainsi que tous les paramètres qui conditionnent la pharmacocinétique des antibiotiques mais avec d’importantes variations interindividuelles. Ce que l’on observe est une baisse des concentrations sériques et tissulaires par rapport aux valeurs habituelles, à l’origine d’échecs thérapeutiques et de l’émergence de souches résistantes. Il est donc recommandé d’augmenter la dose de chaque antibiotique administré chez le brûlé mais aussi d’en aménager les modalités d’administration.

2. NOTIONS DE PHARMACODYNAMIE

Les antibiotiques peuvent être répartis en deux groupes selon leur cinétique de bactéricidie :

1°) Antibiotiques à bactéricidie concentration dépendante (aminosides, fluoroquinolones et fosfomycine).

La bactéricidie est proportionnelle à la concentration maximale obtenue c'est-à-dire à la dose unitaire administrée : plus elle est élevée, plus la bactéricidie est intense. L’objectif à atteindre est donc la concentration la plus élevée possible (Cmax) par rapport à la concentration minimale inhibitrice (CMI), la seule limite étant les effets secondaires. Avec ce type d’antibiotique l’administration est discontinue. ; l’intervalle entre deux administrations dépend de la demi-vie de la molécule : il ne doit pas dépasser 3 fois la demi vie d’élimination de celle-ci. C’est ainsi que les aminosides sont habituellement administrés en  dose unique journalière (DUJ) alors qu’avec les fluoroquinolones le schéma comporte plusieurs injections quotidiennes.


2°) Antibiotiques à bactéricidie temps dépendante (beta-lactamines, glycopeptides).

La bactéricidie est lente et donc relativement indépendante de la concentration maximale. Le paramètre prédictif du succès thérapeutique est le temps pendant lequel les concentrations sériques d’antibiotiques se situent au dessus de la CMI. Le but à atteindre est donc d’obtenir des concentrations sériques dépassant la CMI dans 100% du temps. Pour cela il y a plusieurs moyens : utiliser des molécules à demi-vie longue, raccourcir le délai entre deux injections ou utiliser une administration par perfusion continue. Les experts recommandent l’administration par perfusion continue car cette modalité semble offrir les meilleures garanties de taux sériques efficaces et stables chez le patient brûlé. L’administration par perfusion continue implique l’injection d’une dose de charge afin d’obtenir des taux supérieurs à la CMI dans des délais raisonnables. La dose de charge dépend des molécules utilisées.

3. MODALITES PRATIQUES

 

Règle 10 –Savoir DOSER les antibiotiques.

Mesurer les concentration d’antibiotiques est un excellent moyen de garantir l’efficacité des molécules utilisées. Deux situations se présentent selon la bactéricidie de l’antibiotique considéré :

1. BACTERICIDIE CONCENTRATION-DEPENDANTE

Il est recommandé de chercher à obtenir une concentration supérieure à 10 fois la CMI dans la plupart des cas et supérieure à 20 fois la CMI pour les germes à risque (type Pseudomonas aeruginosa). Pour connaître la CMI, il faut s’adresser au laboratoire de bactériologie ou au comité français de l’antibiogramme qui publie annuellement la CMI des principaux germes (recommandations du CASFM). Cet organisme publie en fait la CMI la plus élevée possible retenue pour faire classer le germe en « sensible » (concentration critique).  La Cmax est déterminée par le dosage sérique (taux pic) prélevé 30mn après la fin de l’injection avec les aminosides et dès la fin de l’administration avec les fluoroquinolones en raison de la grande vitesse de diffusion tissulaire de ces molécules. Pour les aminosides, un dosage avant la seconde injection est recommandé (taux résiduel) ; il sert a attester de l’absence de toxicité des posologies utilisées.

2. BACTERICIDIE TEMPS-DEPENDANTE

En perfusion continue les experts recommandent une concentration à l’équilibre (Css) égale à 4 à 5 fois la CMI. Dans certains cas particuliers comme les infections à Pseudomonas la Css cible est fixée à au moins 10 fois la CMI.  La demi vie de la plupart de ces molécules étant relativement courte on peut considérer que l’équilibre est atteint dès le lendemain de l’introduction du produit.

Cas particulier –Antibioprophylaxie péri-opératoire
Chez les patients brûlés, l’antibioprophylaxie n’a d’intérêt que dans le cadre de la période péri-opératoire. Elle vise à remplir trois objectifs:

• Réduire au maximum l’inoculum local pour favoriser le succès de la greffe
• Diminuer les bactériémies à point de départ local et, ce, d’autant plus que la surface brûlée est importante
• Ne pas augmenter la pression de sélection. L’antibioprophylaxie obéit à un certain nombre de règles d’utilisation définies par plusieurs conférences de consensus et largement diffusées :

• L’antibioprophylaxie doit débuter suffisamment longtemps avant la chirurgie (1h30mn environ)
• La première dose doit être le double de la dose unitaire recommandée en traitement curatif.
• La moitié de la dose initiale doit être réinjectée toutes les 2 demi-vies de la molécule (toutes les 4 heures pour l’oxacilline).
• La durée habituelle de l’antibioprophylaxie est de 24 heures ; elle ne doit jamais dépasser 48 heures.  
• En cas d’administration réitérée, la perfusion continue après dose de charge est possible si la pharmacodynamie de la molécule s’y prête (molécules à bactéricidie temps-dépendant).  Pour les patients brûlés, l’antibioprophylaxie s’adresse aux malades devant subir une chirurgie invasive (excisions, lambeaux….) ; elle n’est pas de mise pour les pansements. Les experts recommandent les pratiques suivantes :

1. premier cas :
Absence d’infection locale identifiée et cible bactérienne non définie. Antibioprophylaxie anti staphylococcique methi-S :

• oxacilline ou cloxacilline (30 mg/kg)  
• ou céphalosporine de première génération (30mg/kg).  
• En cas d’allergie, clindamycine (10mg/kg).

2. second cas :
Absence d’infection locale identifiée mais isolement d’un pathogène sur les prélèvements cutanés.  La molécule à administrer devra être active sur ce pathogène.

3. cas particulier :
Infection locale documentée ou non.  Il ne s’agit pas de prophylaxie puisqu’une infection est en cours. Il est recommandé d’administrer une ou des molécules actives sur le pathogène identifié ou présumé. L’administration doit obéir aux règles usuelles.

4. cas particulier :
Mise en place d’un substitut cutané inerte type derme artificiel. En l’absence de recommandations dans la littérature, les experts proposent la conduite suivante : prélèvement cutané préalable, antibioprophylaxie ciblée sur le pathogène identifié (ou à défaut antibioprophylaxie anti-staphylococcique), règles habituelles d’administration.


Annexes

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